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Une Symbiose

Sept entretiens avec la mort

 

 


Essai sur la créativité






PREMIERE  ENTREVUE


– Qu’est-ce que une chose ?
– Une chose est ce qui a, pour toi, un sens.

 

O ! Chers cadavres !
Abandonnés par le sens,
que vous donniez aux choses,
vous êtes libres !

O ! Ex-vivants !
Réjouissez-vous !
Vous, le combustible
de la noble machine à conscience.

Venez, venez,
allons créer le sens nouveau.


– Dis-moi, toi qui parles aux cadavres, qu’est-ce que le sens ?
– La mort ou la vie, seules, sont l’absurde. La mort « et » la vie font le sens.


– Vérité pour vérité. Moi, j’ai dans la tête deux cerveaux. Un gauche, qui fait l’analyse et un droit, qui fait la synthèse de ce que le gauche a analysé. 
– Et le gauche, qu’analyse-t-il ?
– Le résultat de la synthèse du droit, bien sûr.
– Si cela est vrai, ton génie binaire doit être capable d’attaquer toute absurdité imaginable.
– Que veux-tu, je suis condamné à savoir. Ecoute encore ceci : 

«analyse la chose et quand elle est détruite, refais-la, comme elle était».

– Je te remercie vivement de ces lumières. Moi, je fais d’abord la chose et ce n’est que quand elle est achevée que je la détruis.

 

Les pensées convergent, de nouveau, 
vers ce même point.

Par des sillons et des fissures
dans l’opaque matière de la réalité
elles s’approchent.

Je le sens.

 

La seule chosequi m’est inconnue est la mort, ma mort. La mort des autres, elle me fait vivre. C’est elle qui nourrit ma conscience, qui, elle, dit : la mort m’est inconnue. Tu comprends alors, me connaissant, jusqu’à quel point ton discours me fascine. Parle donc, ma chère, parle.

– Bien, je parle donc : «Ceux qui disent que la mort est parfaite n’ont jamais été vivants».

– Certes, tu n’es pas parfaite. Par contre moi, apparemment, je vis.

 

Une bête m’a mordu,
et la jambe est gonflée.
Je me demande,
quand je serai dans la terre,
serai-je aussi bon ?

 

– Cela ne fait aucun doute. Tu es éternellement bon.

 

L’hypocrisie infinie : 
c’est quand un mort parle de la vie.
Par contre la vérité est 
qu’un vivant a toujours tort.

 

– Je te fais confiance. La vérité et l’hypocrisie sont un, à l’infini. C’est parfaitement concevable.

 

S’il est vrai que c’est
notre amour propre
qui est
moteur de notre vie,
comment alors expliquer le fait
que nous ne sommes pas éternels ?

 

 

 

Y

– Aujourd’hui, le temps est comme j’aime, pas trop chaud. Le vent souffle et l’esprit est vif. 

– Aujourd’hui, le temps se dégrade, comme j’aime. Des nuages lourds arrivent. D’autres parlent :

 

eux, 
ceux qui s’aiment
et 
ceux qui ne s’aiment
pas.

 

– Aujourd’hui, le temps n’est plus. Je tombe ! La mort est à moi ! 
Pas aux autres !

 

Ma mort
est la mort
du concept
que j’ai
de la mort.


– Etrange, le concept de la vie se manifeste uniquement là où il y a de la mort. 

 

La nuit. Je m’endors.
Et alors elle vient,
me regarde et trouve,
je le sais, que je suis encore trop bête,
et elle s’en va.
Et je me réveille,
déçu.

 

– Je pense que je me comporte comme si j’étais vivant. C’est ma liberté. Et les autres, les morts, me prennent pour un égoïste extrême, et ils ont parfaitement raison.

 

Elle m’a fait deux propositions : 
la tuberculose 
ou le retour aux conventions socioculturelles.


C’était gentil de sa part,
mais je les ai rejetées,
toutes les deux.

Ce n’était pas cela,
je pensais,
ce n’était pas, comme ça.

A cette époque, je rêvais
d’être en parfaite condition
pour lui offrir en échange
une existence chargée d’avenir.

Mais aujourd’hui, je ne suis plus là,
et je pense que la perfection c’est 
d’être prêt à accepter ses propositions.

 

– Très longtemps je suis resté sur ce pont. Et quand je le quittai le pont s’écroula dans le vide.

 

Elle,
la mort,
et moi,
nous ne nous séparons jamais.

 


Nous vivons,
au stade actuel,
une sorte de symbiose
organique.


Gentille, elle me détruit,
et moi, je me construis
pour elle.

Cela nous fait
une conscience,
qui, elle,
crée les concepts :
de mort
et de moi.

 

 

 

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